• Les zones grises du consentement : repenser le pacte social

    Un terme revient beaucoup à mes yeux, et à mes oreilles. C’est celui de « culture du viol ». Alors j’ai voulu démystifier ce terme. C’est se dire que les femmes ne sont pas tranquilles et que nous sommes dans une société dans laquelle notre intégrité, physique, psychique, n’est pas garantie. Le contexte est aussi celui de la publication d’un auteur à succès qui dit en substance que, ce qui empêche qu’il y ait plus d’agression de femmes c’est la peur de la sanction pénale de la part des hommes. Ces derniers devraient de la sorte, tout le temps se réfréner. Parler du consentement ou de son absence c’est parler du viol certes, mes aussi de son pouvoir de détermination en tant que femme.


    Penser au consentement, c’est penser à son pouvoir de détermination en tant que femme. Parler du rapport de séduction, ou de son absence, c’est penser la place des femmes dans un monde, le schéma de l’érotisation du pouvoir règne encore en maître. Quelle emprise voulons-nous sur notre quotidien ?

    Les zones grises du consentement

    Depuis #Metoo, le consentement est érigé en symbole ultime de l’égalité entre hommes et femmes. Sur les slogans, la rhétorique du consentement s’est déplacée du « Non, c’est non » à « Sans oui, c’est non. » Le glissement des mots démontre que la victime n’est plus obligée de résister, la personne à l’initiative de l’éventuel rapport doit s’assurer du consentement de saon partenaire potentiel.le.

    Le consentement revêt donc un caractère éminemment moral, pris difficilement en charge par le Code pénal. En effet, en France, la qualification d’une infraction comme agression sexuelle dépend des actes de l’auteur et non directement de l’absence de consentement de la victime. Ainsi, certaines zones grises du consentement, par exemple, dire « non » jusqu’à céder ne sont pas prises en compte par le Code pénal.

    La question reste entière : un « oui » enthousiaste est-il la seule manière d’avoir des relations légales ?

    Le but n’est pas de faire une analyse détaillée du code pénal mais de montrer combien les victimes de violences ont en plus pour elles le fardeaux de devoir prouver que plus que non consenti, un rapport n’était pas désiré. L’article 222-22 du Code pénal définit comme « une agression sexuelle tout atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur. ». En matière de droit, l’analyse de l’absence de consentement s’opère donc à l’aune d’un acte commis avec violence, contrainte, menace ou surprise. On distingue alors :

    • Le consentement forcé :  l’auteur de l’agression sexuelle a utilisé de la violence, de la contrainte ou de la menace afin de forcer le consentement.
    • Du consentement surpris : la victime a sans doute consenti, mais a été trompée.

    Comme dit précédemment, ce texte omet les « zones grises » du consentement…le rapport pas désiré. À rebours, l’Espagne a adopté une loi connue sous le nom « seul oui c’est oui » en référence à l’obligation d’un consentement express pour les relations sexuelles. Le point très bénéfique de cette loi est ce qu’on appelle inverser la charge de la preuve. C’est-à-dire que ce n’est plus à la victime de prouver l’agression sexuelle – comme en France – mais à l’agresseur potentiel. Mais un « oui » enthousiaste est-il la seule manière d’avoir des relations légales ?

    La question du consentement est aussi éminemment morale

    Derrière la notion de consentement, il y a la structure sociale implacable. Ainsi, selon Manon Garcia,[1] philosophe, les femmes sont socialisées pour fournir du bien-être aux hommes. Dans ce cadre, elles peuvent avoir des rapports répétés et pas vraiment consentis, ce que les hommes, eux, ne connaissent pas. C’est ce que l’on appelle le « oui de politesse ». Or, « Céder n’est pas consentir » comme le dit si bien le titre du livre de Clotilde Leguil. Le pénal ne résolvant pas tout, la question n’est-elle donc pas d’avoir aussi une approche morale du consentement ? C’est-à-dire avoir la promesse d’un érotisme entre personnes égales ? Le sens de mon interrogation est de dire que

    • Le consentement ce n’est pas que du droit, ce n’est pas simplement un contrat ;
    • La thématique du consentement invite à repenser le pacte social
    • Ainsi, cela repose l’accueil dans la sphère collective du témoignage de la personne abusée

    Le consentement nous pousse donc à nous interroger

    …qui nous fait repenser le pacte social

    Bref il s’agit de repenser l’ordre social, en prenant en compte les femmes dans leu individualité. Or, nous sommes dans une société où la « galanterie à la française », est profondément inégalitaire. Elle s’oppose au consentement libéral dans le monde anglo-saxon entre deux individus égaux. Regarde, pour sûr que tu as déjà entendu cette phrase, « l’homme propose, la femme dispose « . Et bien il met en avant les criantes inégalités en matière de séduction et de consentement. En poussant le raisonnement, peut-il y avoir consentement lorsqu’il y a asymétrie sociale ? Le consentement est-il entier ? Dans quelle mesure l’homme tire profit d’une situation inégalitaire ? En effet, le secret de polichinelle, ne dit-il pas qu’un président de soixante-dix ans a eu comme amante une jeune étudiante d’une vingtaine d’années.

    Il n’y a rien de plus sexy que les rapports de pouvoir. Il n’y a qu’à se remémorer les conversations entre ami.es autour des relations ou encore l’engouement pour « Cinquante nuances de Grey ». Cependant, le patriarcat se loge dans notre érotisme. Toute la question est celle d’échapper à l’érotisation de la domination que laisse supposer ce célèbre dicton « les hommes viennent de Mars et les femmes viennent de Vénus ».

    Je te laisse y méditer et te dis à la semaine prochaine !

    Pour aller plus loin :


    [1] Dans l’émission « le consentement, nouvelle révolution sexuelle » de France Interner