• Les sacrifices personnels des femmes dans une société en évolution : Entre conditionnements et choix

    La démocratie conjugale est extrêmement récente. En France, les femmes peuvent ouvrir un compte bancaire depuis 1962 seulement. Aussi, les droits à la contraception et à l’avortement sont arrivés encore plus tard. Par conséquent, les rôles sociaux sont encore très divisés entre les hommes et les femmes. Tout cela implique encore des sacrifices personnels, dans leurs choix de vie, pour les femmes.

    Lors de l’émission radiophonique Radioscopie de 1973, Gisèle Halimi, la célèbre avocate qui défendait les droits des femmes lance, en parlant d’avortement, lance « la liberté c’est le choix ». Elle dit avec cette simple phrase que l’avortement est l’acte de liberté par excellence. La preuve en est que lorsque la femme est frustrée de ce pouvoir sur soi-même, elle est capable d’aller jusqu’à l’avortement clandestin susceptible de lui couter la vie. L’interruption volontaire de grossesse est dépénalisée en 1975 par la loi Veil. Cela après la loi Neuwirth de 1967 qui légalise le droit à la contraception. Ces deux dates marquent une révolution dans la détermination des choix personnels des femmes.

    Mais cela veut-il dire que les femmes, aujourd’hui, sont exemptées de sacrifices personnels au cours de leur existence ? Comment cela se traduit-il ?

    L’ambition professionnelle des femmes, un choix sacrificiel ?

    Dans les mythes, le sacrifice, c’est la séparation du vivant et de l’au-delà, c’est une dette que l’on doit payer. On peut remonter le destin sacrificiel des femmes, au moins à l’antiquité, avec le sacrifice d’Iphigénie. C’était la fille du roi Agamemnon, sacrifiée à la déesse, Artémis, pour gagner la guerre de Troie. Amenée jusqu’à l’autel sacrificiel, la jeune femme sera sacrifiée. Ce passage discret de l’Illiade laisse cependant son empreinte au cours de l’histoire et dans l’ensemble des mythes. En effet, selon la psychanalyste Anne Dufourmantelle, « la jeune fille éternelle doit d’une certaine façon mourir lorsqu’elle devient mère ». Les responsabilités et la sagesse de l’effacement doivent transcender jeunesse et naïveté. Si les femmes ne sont pas forcément mères, les enfants augmentent le devoir domestique. Ce devoir domestique influe sur la la notion de choix d’itinéraire de vie.

    L’enjeu serait d’aménager son temps pour ne plus avoir de freins à son ambition

    Nathalie Loiseau, est autrice du livre « choisissez tout ». Elle se demande pourquoi les femmes devraient-être dans un principe de précaution pour ne surtout pas déranger ? Elle établit ainsi que les femmes doutent quant à leur légitimité « d’en vouloir ». Ces doutent glissent vers de la culpabilité de ne pas pouvoir se trouver au four et au moulin. Aussi, on n’a pas appris aux femmes à oser un certain nombre de choses (ex. faire valoir ses compétences, demander une augmentation, etc.). Et on a pas appris aux hommes à aller vers certains univers (comme la sphère domestique). Ainsi, le débat n’est pas celui des compétences, qui sont les mêmes entre hommes et femmes, mais celui de la gestion du temps. Selon Institut national d’études démographiques (INED), le temps journalier consacré au travail domestique est de 2h00 pour un homme et de 3h26 pour une femme. Le temps plus restreint des femmes implique de faire des choix.

    Le conditionnement c’est ce qui nous fait accepter les inégalités dans la sphère privée

    Ainsi, la question du sacrifice n’est pas à relier à l’autocensure des femmes. En effet cela sous-entend que c’est notre faute, elle est plutôt à relier à notre conditionnement. En effet, une multitude de lois ont été promulguées quant à l’égalité professionnelle, alors que ce qui manque c’est le culturel. Ce qu’il manque c’est la prise en compte par le conjoint, l’employeur, le politique de ce conditionnement et de ces inégalités entre sphère domestique et sphère professionnelle. Par conséquent, certains choix peuvent être radicaux comme le refus du couple, ou le refus de maternité. Dans notre société, ces choix sont encore sulfureux.

    …Peut-on vraiment être la super héroïne que l’on voit sur les réseaux sociaux ?

    Face à cela, on assiste sur les réseaux sociaux, ou dans les livres à une certaine idolâtrie d’une forme de maternité, exigeante, difficile, nécessitant d’y passer beaucoup de temps. Par exemple, promotion de l’allaitement prolongé, du cododo, de ne jamais laisser l’enfant pleurer…tout cela veut dire peu dormir. Face au risque du modèle de la superhéroïne, mère accomplie et professionnelle insérée, se pose la figure de la femme célibataire et/ou sans enfants. Cette dernière, qualifiée de « vieille fille » ou « femme à chat » est encore marginalisée. Il y a là encore un conditionnement social, celui du modèle du dévouement et de la discrétion.

    La « liberté c’est le choix » effectif de pouvoir composer avec la réalité

    Le mythe de la superhéroïne joue sur le fait que les femmes sont tiraillées entre leur accomplissement personnel et leurs devoirs de femme, d’épouse, de mère, de salariée. Elles seraient censées tout concilier. Or, des choix sont souvent à faire. Surtout lorsque l’on sait qu’une infime partie des ménages, les plus aisés, disposent d’une aide conséquente pour la garde des enfants par exemple. Si un bon état d’esprit aide à concilier les responsabilités, le meilleur mindset n’aide pas à consoler bébé qui pleure. Surtout pendant que l’on prépare la réunion du lendemain, tard le soir, et que papa finalise déjà les budgets clients à rendre avant la deadline annuelle. Le choix des responsabilités revient donc souvent aux femmes.

    Tout commence par l’éducation, les femmes sont souvent habituées à douter de leur légitimité à vouloir et à oser certaines choses. En effet, on a souvent du mal à faire valoir nos compétences et à gérer notre temps entre la sphère domestique et la sphère professionnelle. Ce conditionnement social est également à l’origine de l’idolâtrie sociale de certaines formes de maternité exigeantes. Ces shémas imposent des sacrifices personnels importants. Face à cela, la figure de la femme célibataire et/ou sans enfants est encore marginalisée. Pour faire avancer l’égalité, il est nécessaire de prendre en compte ce conditionnement et ces inégalités. Il est important de comprendre les choix radicaux que peuvent être amenées à faire certaines femmes. Par exemple, le refus du couple ou de la maternité.

    Tu as des choix difficiles à faire en tant que femme ? Si tu en as, le cœur n’hésite pas à partager ton expérience en commentaire, tu peux choisir le pseudo que tu veux 🙂

  • Femmes et conflit de valeurs au travail : comment exprimer son mécontentement pour agir sur son quotidien professionnel ?

    J’ai retrouvé une vieille revue de développement personnel qui faisait écho à des discussions que j’ai eu dans mon entourage. Doit-on exprimer son mécontentement au travail ? Cette revenue n’y va pas par quatre chemins. « On doit se changer soi avant de vouloir changer le monde ». J’ai parfois lu que le développement personnel ébêtait ses lecteur.rices, car il nous poussait à éteindre notre colère, nos désaccords. A la lecture de ces lignes, on peut facilement tomber d’accord. Sans être aussi extrêmes que cette revue on peut se demander si faire la paix avec soi-même c’est éviter le conflit et l’opposition ?

    Et que fait-on à sa mesure devant les injustices criantes de la pénibilité du travail ? Quand on sait que 37% des actifs occupés disent qu’iels ne pourront pas tenir leur poste jusqu’à la retraite, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle, comment fait-on pour négocier le quotidien ?

    Les femmes plus souvent soumises au conflit de valeurs au travail

    Elle est passée relativement inaperçue, mais la DARES[1] a publié une étude en janvier 2023 intitulée « Conditions de travail et mixité : quelles différences entre professions, et entre femmes et hommes ? » On y apprend sans surprises que les femmes exercent plus souvent des métiers de service, qui les exposent à des contraintes d’organisation du temps de travail, à des exigences émotionnelles et/ou une faible possibilité de décision. Mais dans les métiers mixtes, et dans les métiers à forte présence féminine ou masculine, les femmes sont les plus exposées à tout type de risque. Elles sont aussi plus confrontées que les hommes aux conflits de valeurs et à un manque d’autonomie et, à durée de travail identique. Cette étude montre qu’elles sont aussi soumises à un travail intense et à un manque de soutien et de reconnaissance. Ces salariées sont exposées à de multiples risques physiques et psychiques.

    Les femmes ont très peu de marge de manœuvre pour gérer le quotidien professionnel donc personnel

    En tant que professionnelle de l’accompagnement, ce que je retiens de ce rapport, c’est que :

    • Les femmes, souvent maîtresses de foyer, ont besoin de pouvoir gérer leurs obligations. Pourtant, elles ont des emplois moins flexibles que les hommes et moins soumis à la possibilité de décision. Or quelquefois, il suffit d’une heure de travail en décalé pour pouvoir se rendre chez le médecin.
    • L’exigence émotionnelle, c’est par exemple devoir faire face à un client en colère. C’est prendre sur soi pour pouvoir le ramener au calme et l’orienter. C’est porter la politique de l’entreprise et ses incohérences possibles devant le client.
    • Le conflit de valeur c’est se demander « qu’est-ce que je fiche là ? », « Je ne serais pas mieux à un autre poste ? »

    Face à ces injustices professionnelles, il est donc nécessaire d’exprimer son mécontentement

    Ce que je vois en tant que professionnelle de l’accompagnement c’est que les femmes gèrent souvent ces situations en entamant un travail sur soi pour pouvoir changer leur monde. J’ai pu sentir la cocotte minute monter en pression et être contactée avant qu’elle n’explose : comment je gère mes nouvelles demandes professionnelles ? Comment je gère le temps en plus que cela demande ? Comment je gère le foyer ? Ou/Et ma vie de femmes dans tout ça ? La question est n’est pas directement celle de l’expression de son mécontentement, mais celle du changement. Et si l’on prenait les choses à l’envers, comment exprimer son mécontentement à sa hiérarchie pour changer son quotidien professionnel ?

    • Pour être mieux écoutée ?
    • Pour envisager l’hypothèse d’un départ dans la douceur ?

    Bref, avant de changer d’environnement, il peut être bon d’agir sur le contexte actuel. Avant de lire ce qui suit, exprimer son mécontentement à sa hiérarchie c’est un peu du politique donc il ne s’agit pas de rentrer en opposition 🙂

    Comment exprimer son mécontentement sans opposition ?

    Je te donne la technique : le feedback bien sûr !

    • Dire les Faits
    • Décrire les effets qu’une action donnée a eu sur toi, ton organisation, ton travail
    • Expliquer l’émotion que l’on en ressentit
    • Formuler une demande claire
    • Réfléchir à un plan d’action

    Étape 0 : Amener le sujet

    Énoncer deux faits positifs, le fait négatif et un fait positif

    « Je suis heureuse des nouvelles responsabilités que tu m’as données (1). Merci pour cette marque de confiance (2). Néanmoins, je crois qu’il serait bon de parlais de la gestion des urgences (3) pour que nous puissions continuer à obtenir nos bons résultats et plus (4).

    Étape 1 : Dire clairement les faits en début d’entretien

    Pour faire un feedback, il faut que tu t’appuies sur des faits précis. Par exemple « J’ai noté que tu m’as envoyé des mails urgents à 20h00 le 1er avril, le 20 avril puis le 5 mai ». Le but est que ton interlocuteur.rice ne puisse pas les réfuter ou les balayer d’un revers de main.

    Étape 2 : Décrire l’action qui a posé un problème

    Que se passe-t-il si les choses continuent comme cela ? Ou au contraire, qu’est-ce qui se passe si les choses ne continuent plus de cette façon ? Quel est l’impact éventuellement, négatif ?  Par exemple « il est difficile pour moi de traiter cette action à l’heure indiquée, en dehors des heures de travail. Le risque est de mal gérer le dossier. »

    Étape 3 : Dis ce que tu ressens

    L’émotion vient humaniser le propos, comme pour créer un lien, un contrat moral. Par exemple : « Je me suis sentie impuissante à la réception du mail à 20h00, je me suis demandée comment j’allais gérer le dossier client ». L’émotion souligne ce que cela a comme impact sur toi. Qu’il soit positif ou moins positif.

    Étape 4 : formule ta demande clairement

    Ce qui est important, c’est de faire une demande claire de ce que tu proposes à la personne de continuer à faire ou de faire différemment. Sois clair dans ta demande. « Pour la suite, j’aimerais être informée des urgences plus à l’avance afin que je puisse m’organiser et y répondre au mieux ».

    Étape 5 : Proposer à un plan d’action

    L’important, à la fin d’un entretien de feedback, c’est que toi et taon boss soyez d’accord sur le plan d’action : « Je te propose de m’envoyer les demandes urgentes le matin afin de pouvoir prioriser les actions dans ma journée ».

    Donc faire la paix avec soi-même c’est pouvoir et savoir s’exprimer pour tâcher de changer son quotidien. Le feedback est une technique puissante. Essaye le feedback et s’ils n’entendent pas c’est qu’il est peut-être temps de songer à partir ailleurs.


    [1] Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES). C’est « la direction du Ministère du Travail qui produit des analyses, des études et des statistiques sur les thèmes du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ».

  • Les zones grises du consentement : repenser le pacte social

    Un terme revient beaucoup à mes yeux, et à mes oreilles. C’est celui de « culture du viol ». Alors j’ai voulu démystifier ce terme. C’est se dire que les femmes ne sont pas tranquilles et que nous sommes dans une société dans laquelle notre intégrité, physique, psychique, n’est pas garantie. Le contexte est aussi celui de la publication d’un auteur à succès qui dit en substance que, ce qui empêche qu’il y ait plus d’agression de femmes c’est la peur de la sanction pénale de la part des hommes. Ces derniers devraient de la sorte, tout le temps se réfréner. Parler du consentement ou de son absence c’est parler du viol certes, mes aussi de son pouvoir de détermination en tant que femme.


    Penser au consentement, c’est penser à son pouvoir de détermination en tant que femme. Parler du rapport de séduction, ou de son absence, c’est penser la place des femmes dans un monde, le schéma de l’érotisation du pouvoir règne encore en maître. Quelle emprise voulons-nous sur notre quotidien ?

    Les zones grises du consentement

    Depuis #Metoo, le consentement est érigé en symbole ultime de l’égalité entre hommes et femmes. Sur les slogans, la rhétorique du consentement s’est déplacée du « Non, c’est non » à « Sans oui, c’est non. » Le glissement des mots démontre que la victime n’est plus obligée de résister, la personne à l’initiative de l’éventuel rapport doit s’assurer du consentement de saon partenaire potentiel.le.

    Le consentement revêt donc un caractère éminemment moral, pris difficilement en charge par le Code pénal. En effet, en France, la qualification d’une infraction comme agression sexuelle dépend des actes de l’auteur et non directement de l’absence de consentement de la victime. Ainsi, certaines zones grises du consentement, par exemple, dire « non » jusqu’à céder ne sont pas prises en compte par le Code pénal.

    La question reste entière : un « oui » enthousiaste est-il la seule manière d’avoir des relations légales ?

    Le but n’est pas de faire une analyse détaillée du code pénal mais de montrer combien les victimes de violences ont en plus pour elles le fardeaux de devoir prouver que plus que non consenti, un rapport n’était pas désiré. L’article 222-22 du Code pénal définit comme « une agression sexuelle tout atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur. ». En matière de droit, l’analyse de l’absence de consentement s’opère donc à l’aune d’un acte commis avec violence, contrainte, menace ou surprise. On distingue alors :

    • Le consentement forcé :  l’auteur de l’agression sexuelle a utilisé de la violence, de la contrainte ou de la menace afin de forcer le consentement.
    • Du consentement surpris : la victime a sans doute consenti, mais a été trompée.

    Comme dit précédemment, ce texte omet les « zones grises » du consentement…le rapport pas désiré. À rebours, l’Espagne a adopté une loi connue sous le nom « seul oui c’est oui » en référence à l’obligation d’un consentement express pour les relations sexuelles. Le point très bénéfique de cette loi est ce qu’on appelle inverser la charge de la preuve. C’est-à-dire que ce n’est plus à la victime de prouver l’agression sexuelle – comme en France – mais à l’agresseur potentiel. Mais un « oui » enthousiaste est-il la seule manière d’avoir des relations légales ?

    La question du consentement est aussi éminemment morale

    Derrière la notion de consentement, il y a la structure sociale implacable. Ainsi, selon Manon Garcia,[1] philosophe, les femmes sont socialisées pour fournir du bien-être aux hommes. Dans ce cadre, elles peuvent avoir des rapports répétés et pas vraiment consentis, ce que les hommes, eux, ne connaissent pas. C’est ce que l’on appelle le « oui de politesse ». Or, « Céder n’est pas consentir » comme le dit si bien le titre du livre de Clotilde Leguil. Le pénal ne résolvant pas tout, la question n’est-elle donc pas d’avoir aussi une approche morale du consentement ? C’est-à-dire avoir la promesse d’un érotisme entre personnes égales ? Le sens de mon interrogation est de dire que

    • Le consentement ce n’est pas que du droit, ce n’est pas simplement un contrat ;
    • La thématique du consentement invite à repenser le pacte social
    • Ainsi, cela repose l’accueil dans la sphère collective du témoignage de la personne abusée

    Le consentement nous pousse donc à nous interroger

    …qui nous fait repenser le pacte social

    Bref il s’agit de repenser l’ordre social, en prenant en compte les femmes dans leu individualité. Or, nous sommes dans une société où la « galanterie à la française », est profondément inégalitaire. Elle s’oppose au consentement libéral dans le monde anglo-saxon entre deux individus égaux. Regarde, pour sûr que tu as déjà entendu cette phrase, « l’homme propose, la femme dispose « . Et bien il met en avant les criantes inégalités en matière de séduction et de consentement. En poussant le raisonnement, peut-il y avoir consentement lorsqu’il y a asymétrie sociale ? Le consentement est-il entier ? Dans quelle mesure l’homme tire profit d’une situation inégalitaire ? En effet, le secret de polichinelle, ne dit-il pas qu’un président de soixante-dix ans a eu comme amante une jeune étudiante d’une vingtaine d’années.

    Il n’y a rien de plus sexy que les rapports de pouvoir. Il n’y a qu’à se remémorer les conversations entre ami.es autour des relations ou encore l’engouement pour « Cinquante nuances de Grey ». Cependant, le patriarcat se loge dans notre érotisme. Toute la question est celle d’échapper à l’érotisation de la domination que laisse supposer ce célèbre dicton « les hommes viennent de Mars et les femmes viennent de Vénus ».

    Je te laisse y méditer et te dis à la semaine prochaine !

    Pour aller plus loin :


    [1] Dans l’émission « le consentement, nouvelle révolution sexuelle » de France Interner

  • Briser le tabou de la rivalité féminine : pourquoi la sororité est une notion importante

    « Le patriarcat créé une insécurité permanente chez les femmes, qui se sentent alors menacées par celles qui semblent avoir plus confiance en elles »

    Racha BELMEHDI pour CAUSETTE

    J’ai posé cette question que les réseaux sociaux : « la rivalité féminine mythe ou réalité », les réponses ont été unanimes, pour les personnes interrogées c’était une réalité. La question est ignorée des sciences sociales et des recherches féministes, pourtant, elle est loin de dépasser les petits « cancans » de village/quartier, car elle nous interroge sur le monde que nous voulons demain. Comment commencer pour plus d’égalité entre les genres, à notre échelle?


    « Miroir, oh miroir, dis-moi qui est la plus belle ». À moins que tu aies grandi.e dans une grotte, cette phrase te dit sûrement quelque chose. Mais « plus belle » pour le regard de qui ? Aussi la réponse à la question fait apparaître une belle jeune femme encore fraîche et naïve…plus belle de quoi, par rapport à quel étalon ? Pourtant la jalousie explose devant le fait de ne pas être l’élue au regard du prince…Nous avons grandies avec ces images.

    Il y a un tabou autour de la rivalité féminine. Pourtant, combien de fois as-tu entendu « je ne m’entends pas avec les autres femmes » ? Sous-entendu, je me désolidarise. La femme représentée comme douce et patiente, comme perfide est curieuse, n’a cependant pas été socialisée comme un homme. Les référents culturels des femmes les inscrivent dans un cadre qu’elles tentent de dépasser aujourd’hui. Cependant, dans un monde professionnel où les places sont rares par exemple, la compétition fait rage. Quels sont les ancrages culturels de cette rivalité ? En quoi plus de sororité sera salvateur pour l’avenir commun des femmes ?

    Une invisibilisation des femmes dès l’antiquité au moins

    Dire que l’on ouvre la boîte de Pandore, c’est dire que les problèmes vont s’accumuler. Selon la mythologie grecque, Pandore est la première femme mortelle de l’humanité. C’est Zeus qui l’a envoyée sur Terre pour se venger des hommes. Absolument parfaite, elle était aussi extrêmement belle, et possédait une formidable voix. Cependant, elle était aussi jalouse, perfide et curieuse…un jour elle ouvrit la boîte de Pandore que Zeus lui avait interdit d’ouvrir, et elle rependit la guerre, la souffrance, la violence et la mort sur Terre.

    La culture populaire diffuse l’image d’une femme pècheresse, ça marque des esprits…et des destins

    On pourrait aussi dire qu’il y a Eve et le péché originel, bref, depuis au moins l’antiquité l’image des femmes est construite autour des péchés de la curiosité, de la jalousie et de la perfidie. La culture populaire en est imprégnée. Ça marque, ça construit. Ainsi, dans un monde où les places professionnelles sont déjà rares pour les femmes, celles-ci attendent d’avoir 80 % des compétences requises avant de se porter candidates à un poste, là où les hommes se contentent de 50 % des compétences demandées. Le plafond de verre[1] est ainsi autant une réalité sociologique que psychologique. Ce dernier joue sur le manque de confiance.

    La rivalité c’est le manque de confiance des invisibles

    Or, quand on parle de rivalité, c’est bien cela qu’il s’agit, du manque de confiance, celui qui nous fait projeter nos propres failles sur les autres. Quand on parle de rivalité, il s’agit de tourner son intelligence émotionnelle en défaveur des autres (harcèlements, commérages, etc.). Ainsi, une étude commandée par Twitter en 2016 montre que la moitié des insultes sexistes viennent de la bouche des femmes. Bref, quand on est en situation de rivalité c’est que l’on ne connait pas sa valeur. C’est l’inverse d’une situation de saine compétition dans laquelle on connaît sa valeur, comme on reconnait celle de l’autre. C’est aussi souvent l’inverse du mode de socialisation des hommes qui ont grandi avec les figures de valeureux guerriers. Il n’y a pas de récits de grandes amitiés entre les femmes, ou très peu.

    La solidarité entre femmes contre un modèle patriarcal dominant

    Pourtant, dans un monde dominé par les figures masculines, le concept de sororité qui vient du mot « sœurs » mérite d’être étendu. La sororité ne consiste pas en une attitude béate d’admiration réciproque. Elle consiste à être solidaire des autres femmes, leur tendre la main afin qu’elles montent sur l’échelle. L’objectif est plus philosophique qu’individuel, faire un pied de nez à une société encore patriarcale. La sororité c’est poser sa pierre pour faire grandir sa consœur, ou concourir dans une situation de saine compétition. C’est reconnaître la valeur de l’autre.

    La sororité pour aller contre l’image d’un « éternel féminin »

    Ainsi, la sororité nécessite d’aller à l’encontre des millénaires d’éducation. En effet, le problème est que les femmes ont bien été invisibilisées de l’histoire ou placées au rang de subalternes. Ancrées dans un éternel féminin fait de douceur, de bienveillance, de fragilité et de maternité, la question sous-jacente qui se pose est celle de l’affirmation de soi, de la reconnaissance de soi et de sa valeur. Cependant, la sororité n’est pas un concept facile à appliquer dans la vie quotidienne, cela nécessite de surmonter les stéréotypes de genre profondément enracinés qui les ont divisées pendant si longtemps. Il y a encore des préjugés et des tabous qui entourent la rivalité féminine, mais la sororité peut être un moyen de les surmonter.

    La prise de conscience d’une rivalité féminine, souvent entourée de déni et d’un tabou, est importante pour la construction d’un avenir commun pour les femmes. En travaillant ensemble, les femmes peuvent lutter contre le sexisme et le patriarcat, qui continuent de maintenir les femmes dans des rôles subordonnés et de les priver de l’effectivité de leurs droits. En créant des réseaux de soutien, les femmes peuvent se sentir plus fortes et plus capables de relever les défis auxquels elles sont confrontées.

    Pour aller plus loin :

    • Elisabeth CADOCHE et Anne de MONTARLOT – « le syndrome de l’imposture »
    • Racha BELMEHDI – « Rivalité, nom féminin »

    [1] Concept qui explique le faible nombre de femmes aux postes de direction

  • Le « leadership féminin » est réducteur pour les femmes

    Parler de leadership féminin est réducteur pour les femmes car répond aux stéréotypes de genres.

    • Les hommes sont forts, dominants et affirmés
    • Les femmes sont gentilles, amicales et portent attention aux autres

    Ça, c’est ce que l’on appelle des stéréotypes de genres. À titre d’exemple, la psychologue et enseignante Évelyne Daréoux note que les personnages masculins sont plus présents et plus visibles que les personnages féminins. Ainsi, ils sont plus nombreux que les personnages de sexe féminin, que ce soit dans les titres des ouvrages (78 % vs 25 %), dans les couvertures (78 % vs 48 %) ou dans les illustrations. Ils occupent aussi les rôles principaux, alors les personnages féminins occupent davantage les rôles secondaires : à titre d’exemple, 83 % des pères occupent le rôle du héros contre 17 % des mères[1].

    On note alors que les femmes et les hommes ne sont pas socialisés de la même façon. On attend d’eux des stéréotypes et des rôles de genres qui expliquent qu’ils ne se comportent pas de la même manière. Ceci a des répercussions sur la représentation qu’ils ont de leur leadership. En effet, selon la représentation commune, le leader est une personne charismatique, visionnaire, confiante et qui inspire les autres…rôle de genre attribué aux hommes.

    Depuis quelques années apparait cependant le terme de « leadership féminin ». S’il a l’avantage de pointer du doigt que, oui, l’ambition existe chez les femmes, ce terme, « leadership féminin », n’est-il pas réducteur pour les femmes elles-mêmes ?

    Le défi des femmes : briser le plafond de verre

    Marion Darrieutort[2], fondatrice et CEO de THE ARCANE, ainsi que co-présidente d’Entreprise et Progrès, estime que « si, dès l’enfance, on cesse de leur mettre dans la tête qu’elles n’y arriveront pas, un jour les femmes seront au moins aussi nombreuses que les hommes à diriger de grandes entreprises multinationales ! ». Cependant, les rôles de genre ont la vie dure et persistent depuis des siècles. Par exemple l’enseignement ménagé a été institué pour les filles en 1882 lors de l’institution de l’école de Jules Ferry. Ce n’est qu’en 1984 que l’épreuve facultative d’enseignement ménager disparaitra du baccalauréat. C’est au moins plus d’un siècle d’institutionnalisation et de transmission de la place des femmes dans le foyer (où elles sont en général plus investies que les hommes[3]). Cette image a bridé aussi son image professionnelle. Les femmes ont un nouveau défi devant elles, briser le plafond de verre professionnel. Le plafond deverre désigne l’accessibilité limitée :

    • aux plus hauts postes d’une organisation
    • à certaines catégories de personnes au sein des entreprises.

    …Car les progrès statistiques des femmes en situation de pouvoir sont à prendre avec précaution.

    La loi dite Copé Zimmermann de 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle impose un quota de femmes dans les instances dirigeantes des sociétés cotées[4]. Cette loi a pu être un tremplin pour les « femmes de pouvoir » ou « futures dirigeantes ». C’est alors que l’on a découvert le terme « leadership féminin », comme si le leadership était genré. C’est dire que le pouvoir est normé et répond à des qualités bien définies selon les genres. Ainsi, le leadership féminin mettrait l’accent sur les qualités et les compétences traditionnellement associées aux femmes. Par exemple, l’empathie, la collaboration, l’inclusion et la communication. On peut lire dans certains articles ou certains ouvrages que les leadeuses féminines sont souvent reconnues pour leur capacité à encourager la participation et l’engagement de leur équipe, à favoriser une culture de travail saine et à promouvoir des résultats durables et à longs terme. Bref elles seraient source de productivité.

    Le « leadership féminin » c’est enfermé les femmes dans la marginalité

    L’approche d’un leadership féminin laisse pointer deux bémols :

    • C’est un concept né pour l’organisation du changement des grandes entreprises, car rappelons que les femmes ne sont que 14% des dirigeants des entreprises non cotées en bourses de + de 50 salariés. Les inégalités d’accès aux postes de direction sont encore bien présentes.
    • C’est un concept très réducteur, car le leadership ne devrait pas être associé à un genre en particulier. En effet, les compétences et les qualités nécessaires pour être un bon leader ne sont pas liées au genre. Elles sont plutôt liées à la personnalité et à l’expérience de chacun.

    Les leaders incarnent des qualités telles que l’empathie, la collaboration, l’inclusion et la communication, et cela, peu importe leur genre. Les femmes ont autant de potentiel que les hommes pour être des leadeuses efficaces et inspirants à part entière, pris dans leur singularité. Il est donc important de promouvoir une culture de travail qui encourage la diversité et l’inclusion. Ceci afin que chacun puisse exprimer son leadership de manière authentique, et efficace. En fin de compte, le leadership est une question de compétences et de qualités personnelles, et non de genre.

    En conclusion, le terme de « leadership féminin » peut sembler positif à première vue, mais il ne fait que renforcer les stéréotypes de genres. Il est important de promouvoir un leadership inclusif, basé sur les compétences et les qualités de chacun. Un premier pas serait de parlait de « leadership des femmes » car nous sommes plurielles.


    [1] Des stéréotypes de genre omniprésents dans l’éducation des enfants

    [2] Pour le dossier « Repenser l’égalité femmes – hommes comme un levier de performance pour les organisations » de The great place to work – 2020

    [3] INSEE, analyse, « Le partage des tâches domestiques et familiales ne progresse pas » – 2020

    [4] Cependant, dans les sociétés non cotées de plus de 50 salariées, les femmes sont très peu représentées puisqu’elles ne représentent que 14% des dirigeants.

  • La liberté de disposer de son corps : le débat #Metoo entre Catherine Deneuve et les autres féministes

    La liberté de disposer de son corps est-elle compatible avec une liberté d’importuner?

    Tu te souviens des images d’Adèle Haenel qui quitte la salle des César, en criant : « La honte ! » ?

    En réaction à l’affaire Weinstein, du nom du producteur de cinéma accusé de viol et d’agressions sexuelles, né le mouvement #metoo, dénonçant les agressions subies, notamment par les personnalités féminines. Là, je ne sais pas si tu te souviens, mais une tribune critique du mouvement #metoo intitulée « liberté d’importuner » est publiée dans le monde le 10 janvier 2018. Cette tribune est signée par une centaine de femmes, dont Catherine Deneuve, et alerte du risque pour les femmes de « s’enfermer dans un rôle de proie ». Ce qu’il est intéressant de relever c’est la question qui se cache derrière ces deux visions du féminisme : que symbolise notre corps, à qui appartient-il ?

    Les luttes féministes des années 1970 portaient sur « la propriété de son corps »

    Catherine Deneuve a été l’une des figures de proue du manifeste des « 343 salopes » de 1971 qui scandait alors « nous voulons être les seules propriétaires de notre corps », car elles luttaient en faveur de l’avortement alors interdit en France. À travers le droit à l’avortement, il se posait déjà la question de savoir à qui appartient le corps des femmes. Aucun droit à la contraception n’était possible jusqu’en 1967, la relation sexuelle était ainsi synonyme de procréation. Sous le joug de l’interdiction par la loi, et par l’Église encore très présente, le corps des femmes ne leur appartenait pas. En cas « d’accident », les femmes devaient garder le bébé ou avorter clandestinement, sans prise en charge à l’hôpital. Dans ce contexte, comment pouvez-telles dire « je fais ce que je veux de mon corps » et dès lors jouir d’une liberté sexuelle ?

    …Mais a-t-on le total contrôle sur notre sexualité aujourd’hui ?

    Aujourd’hui tout a changé, me diras-tu : nous avons accès à la contraception, et l’avortement a été légalisé…bref nous sommes maîtresses de nos corps et de notre sexualité. Et bien ce n’est pas si facile. Nous pouvons être victimes de préjugés de par notre apparence physique, nous pouvons être victimes d’agressions sexuelles parce que quelqu’un exerce une position de domination sur nous. Selon un communiqué du ministère de l’Intérieur, en 2020, il y a eu près de 55 000 agressions sexuelles enregistrées. Ça c’est quand la victime porte plainte, alors imagine le nombre réel. Alors que la parole se libère, le nombre d’agressions enregistrées augmente. Ainsi, la sexualité n’est pas anodine, par celle-ci, les agresseurs prennent le pouvoir sur une femme en faisant effraction dans son intimité, il la dépouille de sa liberté de dire « non » ou « je ne suis pas d’accord ».

    Voir les femmes comme ayant toutes seul le contrôle de leur sexualité c’est oublier le contexte social dans lequel nous évoluons

    Je ne suis dès lors pas d’accord avec le texte « liberté d’importuner » car dans le cas d’une agression on nous vole « notre liberté de dire non ». Aussi le texte dit-il « nous estimons qu’il est plus judicieux d’élever nos filles de sorte qu’elles soient suffisamment informées et conscientes (…) » et ne fait aucunement mention de l’éducation des petits garçons. Ce texte revient à surresponsabiliser les femmes en les rendant actrices uniques du jeu de séduction, voire comme ayant le contrôle du jeu de séduction à elles seules. C’est omettre le contexte social dans lequel nous évoluons.

    …L’image de la femme désirable que l’on voit partout parvient à brider la totale affirmation de soi.

    Le corps des femmes nourrit tous nos imaginaires, des posts sur les réseaux sociaux, à la télévision, le corps dénudé des femmes sert à vendre un pot de yaourt, comme des régimes. Il y a celui qu’il faut atteindre, ou conquérir, et celui dont on ne voudrait pas. Avec cela nait le concept de la « femme désirable », celle que l’on voudrait être (pour beaucoup) ou celle qui faut séduire. La femme désirable à un corps qui répond à des canons de beauté. Bien que de plus en plus présents, les canons de beauté sont beaucoup moins oppressants chez les hommes. Mon sentiment est que cette image de la femme parfaite parvient -plus ou moins consciemment – à brider les désirs d’affirmation de soi, y compris de sa sexualité. Bref l’érotisation du corps des femmes peut générer une situation de domination pour l’homme.

    Tant que le corps des femmes servira à vendre, des objets, comme des relations, nous serons en position de vulnérabilité sociale, économique et sentimentale. Dans une économie de la consommation, le corps des femmes est relayé au rang de choses. Dans un tel contexte, il est difficile de prendre l’emprise sur soi, sur le rapport de séduction, et sur sa sexualité…les luttes féministes se sont alors peut-être déplacées de l’emprise de son corps, à l’emprise sur son environnement.

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