• Les sacrifices personnels des femmes dans une société en évolution : Entre conditionnements et choix

    La démocratie conjugale est extrêmement récente. En France, les femmes peuvent ouvrir un compte bancaire depuis 1962 seulement. Aussi, les droits à la contraception et à l’avortement sont arrivés encore plus tard. Par conséquent, les rôles sociaux sont encore très divisés entre les hommes et les femmes. Tout cela implique encore des sacrifices personnels, dans leurs choix de vie, pour les femmes.

    Lors de l’émission radiophonique Radioscopie de 1973, Gisèle Halimi, la célèbre avocate qui défendait les droits des femmes lance, en parlant d’avortement, lance « la liberté c’est le choix ». Elle dit avec cette simple phrase que l’avortement est l’acte de liberté par excellence. La preuve en est que lorsque la femme est frustrée de ce pouvoir sur soi-même, elle est capable d’aller jusqu’à l’avortement clandestin susceptible de lui couter la vie. L’interruption volontaire de grossesse est dépénalisée en 1975 par la loi Veil. Cela après la loi Neuwirth de 1967 qui légalise le droit à la contraception. Ces deux dates marquent une révolution dans la détermination des choix personnels des femmes.

    Mais cela veut-il dire que les femmes, aujourd’hui, sont exemptées de sacrifices personnels au cours de leur existence ? Comment cela se traduit-il ?

    L’ambition professionnelle des femmes, un choix sacrificiel ?

    Dans les mythes, le sacrifice, c’est la séparation du vivant et de l’au-delà, c’est une dette que l’on doit payer. On peut remonter le destin sacrificiel des femmes, au moins à l’antiquité, avec le sacrifice d’Iphigénie. C’était la fille du roi Agamemnon, sacrifiée à la déesse, Artémis, pour gagner la guerre de Troie. Amenée jusqu’à l’autel sacrificiel, la jeune femme sera sacrifiée. Ce passage discret de l’Illiade laisse cependant son empreinte au cours de l’histoire et dans l’ensemble des mythes. En effet, selon la psychanalyste Anne Dufourmantelle, « la jeune fille éternelle doit d’une certaine façon mourir lorsqu’elle devient mère ». Les responsabilités et la sagesse de l’effacement doivent transcender jeunesse et naïveté. Si les femmes ne sont pas forcément mères, les enfants augmentent le devoir domestique. Ce devoir domestique influe sur la la notion de choix d’itinéraire de vie.

    L’enjeu serait d’aménager son temps pour ne plus avoir de freins à son ambition

    Nathalie Loiseau, est autrice du livre « choisissez tout ». Elle se demande pourquoi les femmes devraient-être dans un principe de précaution pour ne surtout pas déranger ? Elle établit ainsi que les femmes doutent quant à leur légitimité « d’en vouloir ». Ces doutent glissent vers de la culpabilité de ne pas pouvoir se trouver au four et au moulin. Aussi, on n’a pas appris aux femmes à oser un certain nombre de choses (ex. faire valoir ses compétences, demander une augmentation, etc.). Et on a pas appris aux hommes à aller vers certains univers (comme la sphère domestique). Ainsi, le débat n’est pas celui des compétences, qui sont les mêmes entre hommes et femmes, mais celui de la gestion du temps. Selon Institut national d’études démographiques (INED), le temps journalier consacré au travail domestique est de 2h00 pour un homme et de 3h26 pour une femme. Le temps plus restreint des femmes implique de faire des choix.

    Le conditionnement c’est ce qui nous fait accepter les inégalités dans la sphère privée

    Ainsi, la question du sacrifice n’est pas à relier à l’autocensure des femmes. En effet cela sous-entend que c’est notre faute, elle est plutôt à relier à notre conditionnement. En effet, une multitude de lois ont été promulguées quant à l’égalité professionnelle, alors que ce qui manque c’est le culturel. Ce qu’il manque c’est la prise en compte par le conjoint, l’employeur, le politique de ce conditionnement et de ces inégalités entre sphère domestique et sphère professionnelle. Par conséquent, certains choix peuvent être radicaux comme le refus du couple, ou le refus de maternité. Dans notre société, ces choix sont encore sulfureux.

    …Peut-on vraiment être la super héroïne que l’on voit sur les réseaux sociaux ?

    Face à cela, on assiste sur les réseaux sociaux, ou dans les livres à une certaine idolâtrie d’une forme de maternité, exigeante, difficile, nécessitant d’y passer beaucoup de temps. Par exemple, promotion de l’allaitement prolongé, du cododo, de ne jamais laisser l’enfant pleurer…tout cela veut dire peu dormir. Face au risque du modèle de la superhéroïne, mère accomplie et professionnelle insérée, se pose la figure de la femme célibataire et/ou sans enfants. Cette dernière, qualifiée de « vieille fille » ou « femme à chat » est encore marginalisée. Il y a là encore un conditionnement social, celui du modèle du dévouement et de la discrétion.

    La « liberté c’est le choix » effectif de pouvoir composer avec la réalité

    Le mythe de la superhéroïne joue sur le fait que les femmes sont tiraillées entre leur accomplissement personnel et leurs devoirs de femme, d’épouse, de mère, de salariée. Elles seraient censées tout concilier. Or, des choix sont souvent à faire. Surtout lorsque l’on sait qu’une infime partie des ménages, les plus aisés, disposent d’une aide conséquente pour la garde des enfants par exemple. Si un bon état d’esprit aide à concilier les responsabilités, le meilleur mindset n’aide pas à consoler bébé qui pleure. Surtout pendant que l’on prépare la réunion du lendemain, tard le soir, et que papa finalise déjà les budgets clients à rendre avant la deadline annuelle. Le choix des responsabilités revient donc souvent aux femmes.

    Tout commence par l’éducation, les femmes sont souvent habituées à douter de leur légitimité à vouloir et à oser certaines choses. En effet, on a souvent du mal à faire valoir nos compétences et à gérer notre temps entre la sphère domestique et la sphère professionnelle. Ce conditionnement social est également à l’origine de l’idolâtrie sociale de certaines formes de maternité exigeantes. Ces shémas imposent des sacrifices personnels importants. Face à cela, la figure de la femme célibataire et/ou sans enfants est encore marginalisée. Pour faire avancer l’égalité, il est nécessaire de prendre en compte ce conditionnement et ces inégalités. Il est important de comprendre les choix radicaux que peuvent être amenées à faire certaines femmes. Par exemple, le refus du couple ou de la maternité.

    Tu as des choix difficiles à faire en tant que femme ? Si tu en as, le cœur n’hésite pas à partager ton expérience en commentaire, tu peux choisir le pseudo que tu veux 🙂

  • Marie-Pierre partage son secret pour concilier carrière et vie personnelle en tant que femme : l’égalité dans le couple 

    Marie-Pierre est de ces personnes qui font oublier d’où l’on vient. J’ai ressenti chez elle une grosse capacité à prendre les gens comme ils sont. D’ailleurs, tu verras dans son récit que le mot « égalité » y revient souvent. En la côtoyant un peu j’ai appris que l’on pouvait être franche et sympathique tout en étant dans la maîtrise. C’est donner ce que l’on peut. Marie-Pierre nous offre donc un petit texte autour duquel est venu se greffer sa parole autour de la notion d’égalité dans le couple et d’équilibre dans l’ambition et la réussite professionnelle. C’est énorme.

    « Pose-moi plutôt tes questions, je suis une scientifique moi tu sais » me lance Marie-Pierre avec la décontraction des personnes assurées. Si l’écrit est un exutoire pour certains, la parole canalise les pensées des autres. Alors je tâche de m’adapter tant bien que mal. Si la parole est vive, la pensée de Marie-Pierre est synthétique. Je comprendrai plus tard qu’elle « préfère regarder en avant ».  En effet, après avoir reçu son texte, il me restait beaucoup de questions qui trouveront réponse durant notre entretien.

    J’ai connu Marie-Pierre durant ma formation de coaching. Elle a la parole qui apaise et un parcours professionnel que j’imagine pleins de rugosité. Elle était directrice de la communication pour un grand groupe international. Je me suis dit que cela n’a pas dû être évident de se hisser ainsi au sein du comité de direction. Elle me répondra que les choses devaient se faire ainsi.

    (1/2) Voici ce sur quoi elle a souhaité écrire : « Carrière ou vie personnelle ! En tant que femme, doit-on choisir ?

    L’ambition c’est pouvoir donner le meilleur de soi sur un pied d’égalité

    Lancée bille en tête avec mon diplôme d’ingénieur dans la vie professionnelle, j’avais l’ambition, la détermination de me consacrer à la carrière que j’avais choisie. A cette époque, le fameux équilibre entre vie pro et vie perso n’était pas une question que je me posais, je savais que je devais donner le meilleur de moi-même si je voulais construire ma carrière. Nous avions décidé avec mon conjoint de nous installer dans la région parisienne, seule région qui permettait à chacun de nous de travailler dans les secteurs que nous avions choisis. Nous avions tous les deux des carrières à construire en toute égalité.

    Dans ce début de ma vie professionnelle, il n’était pas question pour moi de sacrifice puisque c’est ce que j’avais décidé et choisi et je m’y consacrais avec enthousiasme !

    …Ainsi qu’organiser et pourvoir compter sur la stabilité du foyer

    Le questionnement est venu avec l’arrivée de mes enfants, là mes priorités se sont inversées car leur bien-être était en jeu et c’était primordial de leur apporter toute mon attention. Il faut dire que pendant cette période, ma carrière a un peu ralenti mais sans l’impacter durablement. Nous avons dû nous organiser.  J’avais à mes côtés mon joker ! Mon joker c’est mon mari qui s’est impliqué très largement avec les enfants, quand j’étais en déplacement en France ou à l’étranger, pendant les séminaires de plusieurs jours, dans les réunions qui s’éternisaient le soir ! Lorsque mon mari était lui aussi pris par sa carrière, j’avais mon bras droit chez moi, une jeune femme qui entretenait la maison. Elle est restée avec nous 35 ans ! C’était pour les enfants d’une grande stabilité. J’étais rassurée, apaisée sur leur équilibre et je pouvais prendre des missions plus intéressantes pour moi.

    Transmettre son modèle de réussite à ses enfants

    Oui, peut-être ai-je loupé certains moments de complicité avec mes enfants, peut être aussi n’ai-je pas perçu toutes leurs interrogations ? C’est un choix que j’avais fait et mon équilibre personnel en dépendait. Je pense véritablement que lorsque vous vous sentez en adéquation avec vous-même que, par votre organisation, vous vous êtes assuré du bien être des personnes qui vous entourent, les choses se déroulent le mieux possible. Bien sûr il y a eu des moments difficiles tant au niveau professionnel que personnel mais si je me retourne sur ma vie passée, j’ai été soutenue par mon mari et mes enfants, j’ai eu aussi des opportunités intéressantes qui m’ont été proposées et dans lesquelles je me suis épanouie. Je peux dire également que j’ai eu la chance de ne pas avoir connu pour ma famille de graves accidents qui certainement impactent irrémédiablement le cours de votre vie. Je n’ai pas eu à faire de réels sacrifices parce que je vivais ce que j’avais choisi. Le modèle que nous avons mis en place avec mon mari c’est-à-dire une parfaite égalité entre nous à la fois sur le plan des tâches à faire que sur le plan du choix professionnel a été celui que mes enfants ont adopté pour leur vie personnelle. Je pense, le meilleur modèle pour que chacun s’épanouisse.

    Je dirai en conclusion qu’il faut suivre ses envies tout en s’assurant que les personnes qui comptent pour vous sont bien. Soutien, égalité et organisation sont clés, envies et détermination sont des boosters indispensables ; tout cela pour trouver et maintenir son équilibre de vie ! »

    (2/2) Questions

    L’ambition se partage dans le couple ?

    Ce que je retiens de l’entretien qui suivra avec Marie-Pierre, c’est que la notion d’égalité a pétrie son couple dès le début, lorsque la discussion sur la carrière est arrivée. Tous les deux avaient plusieurs choix géographiques et Paris a été le point de conjonctions de leurs projets professionnels. Chacun pouvait ainsi faire ce qui l’intéressait, comme si l’ambition prenait racine dans le dialogue et la coordination.

    « L’ambition, l’envie de grandir dans l’entreprise, elle fait partie de toi »

    Aussi loin qu’elle se souvienne, son père leur disait à ses sœurs et à elle que le plus important était d’être autonome financièrement pour avoir de l’argent. Ceci en cas d’aléas de la vie. Elle mentionne l’intérêt de nourrir son égo, le salaire et les responsabilités qui vont avec.

    Pour Marie-Pierre, l’ambition sera aussi de grandir dans l’organisation. C’est-à-dire de manager des gens, et plus tard d’obtenir des responsabilités à l’international. Elle sera la responsable marketing et communication. L’important est d’être au fait des décisions prises dans l’entreprise. Finalement c’était d’être intégrée dans la stratégie et aux décisions de l’entreprise, elle aura réussi.

    On ne réussit pas sans réseau

    Réussir c’est le retour de ce que tu fais, il est important de donner et de « recevoir des feedback ». En effet, Marie-Pierre me dira que la chance ça se provoque. « Sans que cela soit calculé c’est une question de réseau que tu crées ». Elle apprendra ainsi à ses enfants que le plus important à bâtir c’est le réseau et de l’entretenir. En effet, « un jour où l’autre, les gens se rappellent de toi ».

    La réussite c’est aussi beaucoup de temps

    Marie-Pierre le dit, elle a donné beaucoup de son temps afin de faire le mieux possible pour l’entreprise. Faire le mieux possible pour l’entreprise c’est aussi faire des choses difficiles comme participer à une restructuration salariale de l’entreprise. Elle y a organisé et géré la communication de crise. Ce qui me surprendra c’est qu’elle me dise « je l’ai fait » sur un air que je ne lui connaissais pas. Cela m’a fait l’impression que le devoir bien fait peut ne pas se passer de clivages.

    Après avoir lu et écouté Marie-Pierre, je me dis qu’il y a des choses qui s’expliquent et des choses qui ne s’expliquent pas. L’ambition est un état d’esprit, une fréquence à laquelle nous sommes connectées et qui contribue à modeler nos parcours.

  • Comment j’ai appris à aimer mes cheveux naturels : Mon retour au naturel et ma découverte identitaire

    Voir ma fille souffrir, pleurer à cause de la douleur liée aux cheveux réveilla le trauma de la petite fille en moi. (…) Le même schéma se répétait donc et pour moi c’était hors de question.

    Tes cheveux sont trop durs !

    Tes cheveux sont trop secs !

    Tes cheveux sont trop touffus !

    Tes cheveux sont trop … Je te laisse compléter la longue liste.

    Avec ça, comment ne pas nourrir le rejet de cette magnifique nature de cheveux naturels/crépus/afros/texturés ?! Nous reviendrons à cette question par la suite.

    Quand j’étais enfant, je DÉTESTAIS mes cheveux ! Oui, je les détestais littéralement parce qu’ils me faisaient extrêmement souffrir. Le moment de la coiffure c’était un calvaire, j’en ai gardé d’horribles souvenirs sans exagérer. Mais ça, c’était avant ! Aujourd’hui j’ADORE mes cheveux. Je les adore tellement que je rêve d’un monde où tous les afros descendants ADORENT leurs magnifiques cheveux.

    À travers les lignes suivantes, je voudrais partager avec toi le cheminement qui m’a conduit à cela.

    La douleur des coiffures, un véritable trauma de l’enfance


    Nous allons commencer par remonter le temps. J’ai en tête l’image de cette petite fille assise entre les jambes de sa maman, sa tata ou la coiffeuse. Son corps est immobilisé entre les jambes de celle qui la rend « belle » à travers une jolie coiffure. L’objectif est simple, qu’elle bouge le moins possible malgré la douleur qu’elle ressent sur son crâne. Snif

    Pour moi, cette douleur représente un véritable trauma d’enfance. Un trauma qui m’a emmené à me dire depuis mes 7 ans que jamais mes enfants ne souffriraient pendant les moments de cheveux. Malheureusement, j’ai échoué à cela. ☹  Je t’en dis plus successivement.

    Pour pallier cette douleur récurrente, une solution a été trouvée : le défrisage !

    Je me souviendrais toujours de ce dimanche après-midi où ma sœur ainée a eu la bonne idée de me défriser les cheveux afin qu’ils soient plus « faciles » à coiffer. Le soleil était à son zénith ce jour-là, le vent soufflait légèrement, faisant danser les feuilles du goyavier que nous avions dans notre cour avant. Elle me présenta cette boîte contenant le Graal pour mes cheveux selon elle. Dans la boîte il y avait : un pot coloré, une notice d’utilisation qu’elle ne prit pas le temps de lire, une paire de gants transparents pour se protéger les doigts et une sorte de spatule pour appliquer le produit sur mes cheveux. Lorsqu’elle ouvrit le pot, il s’en dégageait une forte odeur de produits chimiques.

    Clairement, rien qu’à l’odeur nous aurions dû deviner que ce truc serait nocif… Contrairement à tout ce que tout le monde pouvait en dire.  

    La phase de l’application arriva et ma sœur bienaimée fit de son mieux pour se dépêcher afin d’éviter que le produit ne « brûle » mes cheveux et mon cuir chevelu. Oui à ce point-là ! En cas de durée d’application trop longue, le défrisant peut conduire à brûler la peau du crâne et faire tomber tous les cheveux du sujet qui s’en sert. Le truc est capable de se transformer en crème dépilatoire si tu n’es pas sage.

    Ça chauffait, c’était douloureux, je n’en pouvais plus, mais ma sœur m’encourageait à tenir bon sinon ça n’aurait pas été efficace vu combien mes cheveux étaient « durs ». L’heure du rinçage sonna et je m’en souviens comme si c’était hier : j’eus l’impression de perdre une partie de moi.

    À cette époque je ne savais pas comment exprimer cette sensation alors je ne dis rien. Mais aujourd’hui je suis convaincue de m’être coupée d’une partie de moi par ce geste désespéré que je qualifie aujourd’hui de rejet capillaire.

    Mais le défrisage est le signe d’un rejet capillaire

    Oui, le rejet capillaire est caractérisé par le fait de ne pas accepter sa nature de cheveux telle qu’elle est. Qu’il s’agisse de la texture, l’épaisseur, la forme et la taille de la boucle ou encore de la densité. Je ne te parle pas de longueur ici, car selon moi, c’est un facteur qui dépend uniquement de soi-même.

    Une fois cette brève sensation de perte identitaire passée, je peux t’assurer que j’étais trop contente de pouvoir me passer les doigts dans les cheveux en commençant par la racine comme des cheveux caucasiens. C’était en effet moins douloureux lorsqu’il s’agissait des tresses cependant ce qu’on ne m’avait pas dit, c’est qu’il aurait fallu vivre cette expérience tous les deux mois environ. Au bout de quatre mois j’en ai eu marre et je me fis couper les cheveux. Ma maman en fut CHOQUÉE, attends-je te raconte l’affaire dans le détail ahahahahahaha

    Pour reprendre le contrôle : « je veux les couper super court, limite la boule à zéro. »


    Je suis en classe de sixième, ma voisine vient de perdre son grand-père et selon la tradition, tous les petits enfants doivent se raser le crâne. Étant en pleine adolescence pour elle c’est hors de question, comment se départir de ce qui symbolise sa féminité ? Elle est en larme, elle ne veut pas aller au coiffeur. Elle pleure plus pour ces cheveux que pour son papi, elle ne comprend pas pourquoi elle doit subie cette injustice (selon elle hein).

    Pour l’encourager à sauter le pas, mais surtout lui éviter une fessée mémorable, je décidai d’aller avec elle en lui disant ceci : « si tu paies ma coupe, je t’accompagne et je me fais couper les cheveux en premier pour que tu réalises que ce n’est pas si grave. Ce ne sont que des cheveux au final, ils repousseront ne t’en fais pas. » Elle accepta et c’est ainsi que pour la première fois je pris une décision personnelle concernant mes cheveux : « je veux les couper super courts, limite boule à zéro. »

    Stupeur et incompréhension de l’entourage – les cheveux signes de féminité

    Ce soir-là, je crois que si ma maman n’eut pas de crise cardiaque à cause de moi, elle n’en aura jamais par ma faute lol.

    Maman était choquée de me voir la tête nue, elle en était bouche bée. Quand elle put en placer une, elle me demanda ce que j’avais fait, si quelqu’un m’avait forcé. Je lui expliquai alors que non, que j’en avais marre de tout ça et je voulais juste être tranquille. Elle ne comprit pas sur le coup.

    Heureusement pour moi, mon cher Papa qui avait tout entendu lui fit réaliser à quel point c’était une bonne chose, pour moi, mais aussi pour elle, car ainsi, on ne perdrait plus de temps à me coiffer les dimanches après-midi.  C’est ainsi que j’ai gardé mes cheveux super courts jusqu’en classe de seconde où j’ai commencé à ressentir la pression de la société sur ce fameux symbole de féminité que sont les cheveux.

    Ainsi démarra une saison de défrisage à n’en plus finir, de tresses avec extensions aussi longues et colorées que possible… Tous les deux mois, il fallait y passer pourquoi ? Je ne saurais te répondre si ce n’est faire comme tout le monde… Tous les moyens étaient bons pour cacher mes cheveux naturels. C’est dans cette saison de ma vie que la fameuse croyance : « Il faut souffrir pour être belle » s’ancrât au plus profond de mon être.

    Il faut souffrir pour être belle et remarques déplacées

    On m’a fait penser que c’était normal d’avoir mal lorsqu’on me défrisait les cheveux, ça devait chauffer pour être efficace. Sinon ça n’allait pas « cuire » et j’aurais gaspillé mon argent…

    On m’a dit qu’il fallait que les tresses soient extrêmement serrées pour que mes cheveux « poussent ».

    On m’a dit que c’était normal que je ne puisse pas poser ma tête sur mon oreiller le premier jour des tresses.

    On m’a dit que mes cheveux, dans leur nature d’origine, n’étaient pas assez bien pour que je les porte fièrement.
    Combien de fois ai-je eu droit à : quand est-ce que tu vas te coiffer ? Lorsque j’avais le malheur de laisser mes cheveux respire deux-trois jours.

    Combien de fois ai-je eu des remarques négatives sur mes cheveux lorsque je les présentais tels qu’ils étaient ? Bon aujourd’hui avec le recul j’avoue qu’ils n’étaient pas en très bonne santé étant donné que je ne savais pas du tout en prendre soin.  Mais quand même !!

    Un jour, j’en ai eu marre !

    J’en ai eu marre de noircir le carreau de la salle de bain ainsi que le lavabo de mes cheveux tellement ils se cassaient vu combien ils étaient fragiles.

    J’en ai eu marre de voir mes cheveux s’affiner chaque jour un peu plus à cause de leur fragilité due au calcaire dans l’eau du robinet et au défrisage évidemment.

    J’en ai eu marre de devoir tous les deux mois passer à la case défrisage, car il fallait bien cacher les repousses causées par mes nouveaux cheveux au niveau du crâne. Pourquoi ? Je ne sais pas.

    J’en ai eu marre de simuler de la longueur avec des extensions toujours plus longues, encore plus colorées et plus lisses que jamais. Car selon les standards à l’époque : il fallait que ce soit long pour être beau.

    J’avais en tête le souvenir de la petite fille en moi avec une belle touffe abondante. Après plus d’une année de réflexion, je décidais de repartir à zéro en faisant une boule à zéro. Dans le jardon, cet acte s’appelle un big chop. Pstttt tu n’es pas obligée de faire comme moi. Il y a d’autres solutions.

    À cette époque le mouvement « nappy » commençait à se populariser, j’en entendais parler sans me sentir concernée, car au fond je crois que je ne voulais qu’une chose : me RETROUVER.

    Retour au naturel et revendications identitaires

    Parce que oui, le retour au naturel c’est une revendication identitaire, il permet de renouer avec qui on est vraiment à l’intérieur de soi, car c’est ainsi que nous avons été créées avec cette magique typologie de cheveux versatile.

    Il y a bientôt 10 ans, je retournais au naturel sans aucune conviction. D’ailleurs, j’avais très vite fait de retourner à mes chères extensions qui me permettaient d’être toujours on fleek parce que mes cheveux à eux tous seuls n’étaient clairement pas assez. Je retombais également dans l’inconnu, parce qu’une chose est sure défrisée ou pas, si on n’apprend pas à connaitre cette nature particulière de cheveux, il n’y a pas vraiment de différence en dehors de l’absence de défrisage.

    Pour ma fille j’ai pris la pus belle décision de nos vies : apprendre à connaître nos cheveux

    L’année qui suivit, j’eus ma première fille, Vava.

    Je faisais de mon mieux avec ses cheveux, vraiment. Je faisais quelques soins par-ci par-là, glané sur YouTube. J’essayais de faire attention à comment je touchais ses cheveux afin de lui faire le moins mal possible et malgré tous mes efforts, j’ai échoué.

    Voir ma fille souffrir, pleurer à cause de la douleur liée aux cheveux réveilla le trauma de la petite fille en moi. Et le must ce fut le jour où mon chéri me dit : « vas-y, vaut mieux lui couper les cheveux comme ça elle ne souffrira plus et tu seras moins angoissée et stressée de ce moment… » Exactement ce que mon Papa disait à ma maman 20 ans plus tôt. Le même schéma se répétait donc et pour moi c’était hors de question.

    Hors de question que ma fille rejette ses cheveux comme moi à cause de la douleur.

    Hors de question que ma fille manque de confiance en elle à cause de ses cheveux naturels.

    Hors de question que ma fille n’aime pas inconditionnellement ses cheveux.

    Comment changer cela ? Je ne savais pas, mais ce jour-là, je pris LA décision.

    Je pris la décision d’apprendre. Apprendre à faire autrement en me disant : si elles (les jolies demoiselles avec de magnifiques chevelures sur YouTube) y arrivaient alors pourquoi pas moi ?

    Pour ma fille, ma muse, mon inspiration, je pris une des plus belles décisions de nos vies

    Apprendre à connaitre nos cheveux afin de pouvoir répondre au mieux à leurs besoins. Apprendre à les manipuler, de la bonne manière avec des outils adaptés. Apprendre à les coiffer avec le moins de douleur possible. Me réconcilier intentionnellement avec eux afin de révéler leur potentiel de folie. Apprendre à les aimer, inconditionnellement afin de pouvoir transmettre cet amour de soi à ma descendance.

    Le pari n’était pas gagné. Plusieurs personnes m’ont même dit que je perdais mon temps, car c’était impossible. C’était impossible qu’une Africaine puisse avoir de beaux et longs cheveux naturellement. Toutes ses filles sur les réseaux étaient « mélangées » selon eux. Elles bénéficiaient donc d’une génétique plus favorable.

    Bien décidée à apprendre, je n’en tenais pas compte. Seuls mes objectifs m’importaient à ce moment-là. C’est ainsi que j’ai persévéré malgré tous les aléas rencontrés sur le chemin, je n’ai pas lâché. Les premiers résultats ont été pour ma fille. Cela m’a encouragé en me disant : si j’ai des résultats pour la chair de ma chair alors je peux en avoir pour moi aussi.

    Les cinq étapes du combat du rejet capillaire

    Ce chemin a été un beau chemin de gain de confiance en moi à travers mes cheveux. Aujourd’hui, Le combat du rejet capillaire par lequel je suis passé pourrait être résumé selon les 5 phases suivantes :

    Le déni

    Le déni, je suis en accord avec tout ce qu’on m’a enseigné depuis mon enfance, mais au fond de moi je commence à me poser des questions ; est-ce que le défrisage, les extensions, les tissages et les perruques sont les seules solutions ?

    Le doute

    Le doute, je vois bien toutes ses femmes qui portent leurs cheveux naturels/crépus/texturés, c’est beau, je veux la même chose, mais je me dis que je n’y arriverai pas, ce n’est pas accessible pour moi cependant je veux y croire au fond de moi ;

    Le déclic

    Le déclic

    Le déclic, cet événement, cette action, cette vidéo, ce post, n’importe quoi qui m’emmène à prendre LA décision. Je définis mes objectifs et je PASSE À L’ACTION pour voir le changement s’opérer malgré cela je continue de cacher mes cheveux, cette fois je les cache parce qu’ils sont trop beaux. J’ai tellement peur du regard d’autrui sur mes cheveux que je préfère les cacher ;

    L’acceptation

    L’acceptation, je commence à assumer mes cheveux petit à petit. Je commence à les voir comme un allié et non plus comme un ennemi, un peu comme le temps finalement. Je commence à les porter au naturel beaucoup plus souvent (sans rastas/rajouts, sans greffes/tissage, sans crochet braids, sans perruques …) et à enjoy ses moments, car je me retrouve avec MOI dans mon entièreté et je suis badasse ;

    L’AMOUR ❤️

    L’amour, je kiff grave mes cheveux, je les aime de tout mon cœur et ils me le rendent bien. Il y a des hauts et des bas, mais mon amour ne fait que se renforcer avec le temps. Tu sais, presque comme avec un partenaire idéal. Plus le temps passe et plus la relation se renforce😉

    À quelle phase penses-tu te situer ? N’hésite pas à laisser un petit commentaire ci-dessous pour me faire savoir.

    Aujourd’hui, je suis fière de pouvoir montrer l’exemple à d’autres mamans comme moi.

    Avec l’aide de mes deux filles, je suis fière de pouvoir montrer l’exemple à d’autres enfants pour leur montrer que c’est POSSIBLE ! Ce n’est pas réservé à une catégorie de personnes seulement.

    Je souhaite que nous soyons des modèles afin que d’autres femmes et enfants afros descendants puissent se reconnaitre et ainsi décider de faire le chemin de l’acceptation de soi, de leurs cheveux pour gagner confiance en elles et s’aimer inconditionnellement à travers leurs cheveux.

    Une chose à retenir de cet article serait donc : prendre soin de ses cheveux et de ceux de ses enfants, ça s’apprend. Tu as le choix de décider d’apprendre ou pas, c’est ta décision. Souviens-toi que ton bien-être capillaire et celui de ton /tes enfant(s) dépendent uniquement de toi. L’héritage que tu leur transmettras est aussi entre tes mains.

    Mon objectif n’est pas de t’accabler ou te faire culpabiliser. Mon objectif est de semer la petite graine qui te poussera probablement à la réflexion.

    Parce que l’étape d’après c’est apprendre, s’améliorer et continuer d’aller toujours de l’avant en faisant de ton mieux, car c’est tout ce qui compte.

    Je pourrais de parler de cheveux toute la journée, cependant je vais m’arrêter là pour aujourd’hui. Si tu veux découvrir mon univers, n’hésites pas à venir me rejoindre sur Insta @lily.vava.diva

    Merci de m’avoir lu !

    Prends soin de toi.

    Laétitia

  • Briser le tabou de la rivalité féminine : pourquoi la sororité est une notion importante

    « Le patriarcat créé une insécurité permanente chez les femmes, qui se sentent alors menacées par celles qui semblent avoir plus confiance en elles »

    Racha BELMEHDI pour CAUSETTE

    J’ai posé cette question que les réseaux sociaux : « la rivalité féminine mythe ou réalité », les réponses ont été unanimes, pour les personnes interrogées c’était une réalité. La question est ignorée des sciences sociales et des recherches féministes, pourtant, elle est loin de dépasser les petits « cancans » de village/quartier, car elle nous interroge sur le monde que nous voulons demain. Comment commencer pour plus d’égalité entre les genres, à notre échelle?


    « Miroir, oh miroir, dis-moi qui est la plus belle ». À moins que tu aies grandi.e dans une grotte, cette phrase te dit sûrement quelque chose. Mais « plus belle » pour le regard de qui ? Aussi la réponse à la question fait apparaître une belle jeune femme encore fraîche et naïve…plus belle de quoi, par rapport à quel étalon ? Pourtant la jalousie explose devant le fait de ne pas être l’élue au regard du prince…Nous avons grandies avec ces images.

    Il y a un tabou autour de la rivalité féminine. Pourtant, combien de fois as-tu entendu « je ne m’entends pas avec les autres femmes » ? Sous-entendu, je me désolidarise. La femme représentée comme douce et patiente, comme perfide est curieuse, n’a cependant pas été socialisée comme un homme. Les référents culturels des femmes les inscrivent dans un cadre qu’elles tentent de dépasser aujourd’hui. Cependant, dans un monde professionnel où les places sont rares par exemple, la compétition fait rage. Quels sont les ancrages culturels de cette rivalité ? En quoi plus de sororité sera salvateur pour l’avenir commun des femmes ?

    Une invisibilisation des femmes dès l’antiquité au moins

    Dire que l’on ouvre la boîte de Pandore, c’est dire que les problèmes vont s’accumuler. Selon la mythologie grecque, Pandore est la première femme mortelle de l’humanité. C’est Zeus qui l’a envoyée sur Terre pour se venger des hommes. Absolument parfaite, elle était aussi extrêmement belle, et possédait une formidable voix. Cependant, elle était aussi jalouse, perfide et curieuse…un jour elle ouvrit la boîte de Pandore que Zeus lui avait interdit d’ouvrir, et elle rependit la guerre, la souffrance, la violence et la mort sur Terre.

    La culture populaire diffuse l’image d’une femme pècheresse, ça marque des esprits…et des destins

    On pourrait aussi dire qu’il y a Eve et le péché originel, bref, depuis au moins l’antiquité l’image des femmes est construite autour des péchés de la curiosité, de la jalousie et de la perfidie. La culture populaire en est imprégnée. Ça marque, ça construit. Ainsi, dans un monde où les places professionnelles sont déjà rares pour les femmes, celles-ci attendent d’avoir 80 % des compétences requises avant de se porter candidates à un poste, là où les hommes se contentent de 50 % des compétences demandées. Le plafond de verre[1] est ainsi autant une réalité sociologique que psychologique. Ce dernier joue sur le manque de confiance.

    La rivalité c’est le manque de confiance des invisibles

    Or, quand on parle de rivalité, c’est bien cela qu’il s’agit, du manque de confiance, celui qui nous fait projeter nos propres failles sur les autres. Quand on parle de rivalité, il s’agit de tourner son intelligence émotionnelle en défaveur des autres (harcèlements, commérages, etc.). Ainsi, une étude commandée par Twitter en 2016 montre que la moitié des insultes sexistes viennent de la bouche des femmes. Bref, quand on est en situation de rivalité c’est que l’on ne connait pas sa valeur. C’est l’inverse d’une situation de saine compétition dans laquelle on connaît sa valeur, comme on reconnait celle de l’autre. C’est aussi souvent l’inverse du mode de socialisation des hommes qui ont grandi avec les figures de valeureux guerriers. Il n’y a pas de récits de grandes amitiés entre les femmes, ou très peu.

    La solidarité entre femmes contre un modèle patriarcal dominant

    Pourtant, dans un monde dominé par les figures masculines, le concept de sororité qui vient du mot « sœurs » mérite d’être étendu. La sororité ne consiste pas en une attitude béate d’admiration réciproque. Elle consiste à être solidaire des autres femmes, leur tendre la main afin qu’elles montent sur l’échelle. L’objectif est plus philosophique qu’individuel, faire un pied de nez à une société encore patriarcale. La sororité c’est poser sa pierre pour faire grandir sa consœur, ou concourir dans une situation de saine compétition. C’est reconnaître la valeur de l’autre.

    La sororité pour aller contre l’image d’un « éternel féminin »

    Ainsi, la sororité nécessite d’aller à l’encontre des millénaires d’éducation. En effet, le problème est que les femmes ont bien été invisibilisées de l’histoire ou placées au rang de subalternes. Ancrées dans un éternel féminin fait de douceur, de bienveillance, de fragilité et de maternité, la question sous-jacente qui se pose est celle de l’affirmation de soi, de la reconnaissance de soi et de sa valeur. Cependant, la sororité n’est pas un concept facile à appliquer dans la vie quotidienne, cela nécessite de surmonter les stéréotypes de genre profondément enracinés qui les ont divisées pendant si longtemps. Il y a encore des préjugés et des tabous qui entourent la rivalité féminine, mais la sororité peut être un moyen de les surmonter.

    La prise de conscience d’une rivalité féminine, souvent entourée de déni et d’un tabou, est importante pour la construction d’un avenir commun pour les femmes. En travaillant ensemble, les femmes peuvent lutter contre le sexisme et le patriarcat, qui continuent de maintenir les femmes dans des rôles subordonnés et de les priver de l’effectivité de leurs droits. En créant des réseaux de soutien, les femmes peuvent se sentir plus fortes et plus capables de relever les défis auxquels elles sont confrontées.

    Pour aller plus loin :

    • Elisabeth CADOCHE et Anne de MONTARLOT – « le syndrome de l’imposture »
    • Racha BELMEHDI – « Rivalité, nom féminin »

    [1] Concept qui explique le faible nombre de femmes aux postes de direction

  • Le pouvoir du réseau professionnel pour les femmes : briser les barrières et atteindre l’égalité en entreprise

    Parlons évolution et réseau professionnel. Dans la vie, il y a les belles et vraies rencontres, et celles qui nous laissent une impression de fadeur. Dans le milieu professionnel c’est un peu pareil, certaines rencontres nous marquent et d’autres nous laissent de marbre, pourtant on doit obligé.es de collaborer. Unir ses forces au travail ne veut dire que l’on va nouer des liens, ou même faire cet effort. Alors que 80% des offres d’emploi ne sont pas publiées, le réseau professionnel est généralement décrit comme important pour trouver un emploi ou étendre son influence professionnelle. Il permet d’ouvrir les opportunités commerciales quand on entreprend, mais aussi d’être dans les « petits papiers » pour une promotion.

    Or les femmes ont un réseau professionnel moins étendu que celui des hommes et elles ne représentent que 20% des dirigeants des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI). Le réseau professionnel semble un élément nécessaire, or, un réseau moins développé des femmes par rapport aux hommes n’est -il pas à l’origine de ce fossé ?

    Pourquoi un article sur le réseau professionnel ?

    Ça y est, toi qui fonctionnes principalement à la confiance et à l’affect, tu sens poindre le doute ? Le but de cet article n’est pas de te transformer en « socialite » (et pourquoi pas d’ailleurs !) mais de prendre conscience ensemble où le bât blesse pour les femmes, quand elles doivent développer un réseau. Si tu es concernée, le but est de prendre conscience des modes de fonctionnement fréquents et de poser la première pierre d’une démarche relationnelle construite…parce qu’aujourd’hui, le réseau bénéficie principalement aux hommes.

    Qu’est-ce qu’un réseau au juste ?

    En entreprise tu entends souvent « je ne connais pas les bonnes personnes », dans l’entrepreneuriat c’est « je me sens seule ». Le réseau, ce ne sont pas seulement les contacts directs, c’est aussi les contacts de ses contacts. Il est composé :

    • Du cercle de confiance : les proches
    • Du cercle de services mutuels : personnes à qui je peux rendre et demander service
    • Le cercle de connaissance : personnes rencontrées au moins une fois et avec qui je peux essayer de renouer si besoin
    • Cercle élargi : personnes qui appartiennent au même réseau structuré que moi (association, réseaux académiques, etc.)

    Bref un réseau est un cercle de connaissances plus ou moins proches sur lequel on peut compter, notamment sur le plan professionnel.

    Une étude sur le sujet en date de 2015 et a été réalisée par le cabinet de conseil Boston Consulting group + HEC au féminin + IFOP. Selon celle-ci, seuls 15% des cadres déclarent que le réseau est le fruit d’une démarche construite. Le réseau se construirait donc essentiellement selon les rencontres et les opportunités. On en déduit que le réseau marche avant tout à l’humain, il n’est pas froid et mécanique. Tisser des liens reste important pour la vie professionnelle.

    Les réseaux ont un bénéfice, or, les femmes ont un cercle de connaissances plus restreint que les hommes

    Le réseau, a néanmoins des avantages. Les bénéfices du réseau professionnel sont nombreux pour l’obtention d’un poste par exemple : recommandation, conseil, obtention d’information, et visibilité. Cependant, toujours selon cette étude, les femmes ont un réseau moins étendu que les hommes.

    Si pour la majorité des répondant.es à l’étude, cela implique un effort de construire un réseau, son utilité fait consensus. Aussi établir un réseau professionnel s’apprend, et des critères essentiels sont nécessaires :

    • Avoir confiance dans la personne (92%)
    • Avoir un bon feeling avec la personne (89%)
    • Savoir que l’on peut solliciter la personne pour un service, ou un conseil (88%)

    Les leviers identifiés d’un bon réseau

    Les raisons d’un réseauLes bénéfices d’un réseau
    Le plaisir d’échanger
    De rendre service
    De s’ouvrir à de nouveaux sujets, car cela peut donner des idées
    Cela permet de se sentir reconnu et soutenu
    Être recommandée
    Bénéficier de conseils de la part de professionnels
    Obtenir des informations sur le secteur d’activité ou l’entreprise
    Être en contact avec des partenaires
    Bénéficier d’une visibilité
    Leviers d’un bon réseau professionnel

    Toujours, selon cette étude, pour les femmes, le réseau est un cercle restreint entièrement de confiance, alors que pour les hommes, c’est un cercle relativement large de personne à qui l’on peut demander un service. Pour les premières il y aurait ainsi une notion d’affect, alors que pour les autres, l’approche serait plus pragmatique.

    Les femmes exclues des réseaux traditionnels

    Selon la professeur de management, Christina Constantinidis, les femmes se retrouvent souvent exclues des old boy’s networks (réseaux d’hommes) influents, historiquement construits par et pour les hommes. Les freins identifiés sont

    • Le manque de temps lié aux responsabilités familiales,
    • Le manque de crédibilité,
    • Le coût financier
    • La distance géographique, et,
    • Le manque d’information.

    Des facteurs individuels peuvent accentuer ces difficultés, notamment l’âge, l’origine ethnique, l’éducation et l’expérience professionnelle antérieure. Bref, pour résumer, les réseaux d’affaires en France sont traditionnellement l’affaire d’hommes plutôt blancs cisgenres.

    …Les choses changent

    Depuis les années 2010, les réseaux de femmes se développent. Le but, apporter une plus grande visibilité professionnelle aux femmes et briser le plafond de verre ensemble et se libérer des conditionnements. La plupart des réseaux s’adressent aux entrepreneuses, mais il s’agit de faire changer les mentalités.

    • Les Pionnières est un réseau d’incubateurs et de pépinières pour les entreprises innovantes ;
    • Professional women’s network, Leur ambition est de favoriser le développement des carrières des femmes cadres et dirigeantes grâce à du networking, à des ateliers, ou du mentoring.
    • Action ‘elles pour adhérer, il faut être entrepreneure et vouloir se verser un salaire grâce à la pérennité de son entreprise ;
    • Femmes Entrepreneurs organise tout au long de l’année des évènements gratuits à destination des dirigeantes et futures créatrices d’entreprise ;

    Il y en a plein d’autres. Le but est d’aller vers le réseau où l’on se sent à l’aise. Le tout est de participer à quelques évènements et de comparer 😉

  • La liberté de disposer de son corps : le débat #Metoo entre Catherine Deneuve et les autres féministes

    La liberté de disposer de son corps est-elle compatible avec une liberté d’importuner?

    Tu te souviens des images d’Adèle Haenel qui quitte la salle des César, en criant : « La honte ! » ?

    En réaction à l’affaire Weinstein, du nom du producteur de cinéma accusé de viol et d’agressions sexuelles, né le mouvement #metoo, dénonçant les agressions subies, notamment par les personnalités féminines. Là, je ne sais pas si tu te souviens, mais une tribune critique du mouvement #metoo intitulée « liberté d’importuner » est publiée dans le monde le 10 janvier 2018. Cette tribune est signée par une centaine de femmes, dont Catherine Deneuve, et alerte du risque pour les femmes de « s’enfermer dans un rôle de proie ». Ce qu’il est intéressant de relever c’est la question qui se cache derrière ces deux visions du féminisme : que symbolise notre corps, à qui appartient-il ?

    Les luttes féministes des années 1970 portaient sur « la propriété de son corps »

    Catherine Deneuve a été l’une des figures de proue du manifeste des « 343 salopes » de 1971 qui scandait alors « nous voulons être les seules propriétaires de notre corps », car elles luttaient en faveur de l’avortement alors interdit en France. À travers le droit à l’avortement, il se posait déjà la question de savoir à qui appartient le corps des femmes. Aucun droit à la contraception n’était possible jusqu’en 1967, la relation sexuelle était ainsi synonyme de procréation. Sous le joug de l’interdiction par la loi, et par l’Église encore très présente, le corps des femmes ne leur appartenait pas. En cas « d’accident », les femmes devaient garder le bébé ou avorter clandestinement, sans prise en charge à l’hôpital. Dans ce contexte, comment pouvez-telles dire « je fais ce que je veux de mon corps » et dès lors jouir d’une liberté sexuelle ?

    …Mais a-t-on le total contrôle sur notre sexualité aujourd’hui ?

    Aujourd’hui tout a changé, me diras-tu : nous avons accès à la contraception, et l’avortement a été légalisé…bref nous sommes maîtresses de nos corps et de notre sexualité. Et bien ce n’est pas si facile. Nous pouvons être victimes de préjugés de par notre apparence physique, nous pouvons être victimes d’agressions sexuelles parce que quelqu’un exerce une position de domination sur nous. Selon un communiqué du ministère de l’Intérieur, en 2020, il y a eu près de 55 000 agressions sexuelles enregistrées. Ça c’est quand la victime porte plainte, alors imagine le nombre réel. Alors que la parole se libère, le nombre d’agressions enregistrées augmente. Ainsi, la sexualité n’est pas anodine, par celle-ci, les agresseurs prennent le pouvoir sur une femme en faisant effraction dans son intimité, il la dépouille de sa liberté de dire « non » ou « je ne suis pas d’accord ».

    Voir les femmes comme ayant toutes seul le contrôle de leur sexualité c’est oublier le contexte social dans lequel nous évoluons

    Je ne suis dès lors pas d’accord avec le texte « liberté d’importuner » car dans le cas d’une agression on nous vole « notre liberté de dire non ». Aussi le texte dit-il « nous estimons qu’il est plus judicieux d’élever nos filles de sorte qu’elles soient suffisamment informées et conscientes (…) » et ne fait aucunement mention de l’éducation des petits garçons. Ce texte revient à surresponsabiliser les femmes en les rendant actrices uniques du jeu de séduction, voire comme ayant le contrôle du jeu de séduction à elles seules. C’est omettre le contexte social dans lequel nous évoluons.

    …L’image de la femme désirable que l’on voit partout parvient à brider la totale affirmation de soi.

    Le corps des femmes nourrit tous nos imaginaires, des posts sur les réseaux sociaux, à la télévision, le corps dénudé des femmes sert à vendre un pot de yaourt, comme des régimes. Il y a celui qu’il faut atteindre, ou conquérir, et celui dont on ne voudrait pas. Avec cela nait le concept de la « femme désirable », celle que l’on voudrait être (pour beaucoup) ou celle qui faut séduire. La femme désirable à un corps qui répond à des canons de beauté. Bien que de plus en plus présents, les canons de beauté sont beaucoup moins oppressants chez les hommes. Mon sentiment est que cette image de la femme parfaite parvient -plus ou moins consciemment – à brider les désirs d’affirmation de soi, y compris de sa sexualité. Bref l’érotisation du corps des femmes peut générer une situation de domination pour l’homme.

    Tant que le corps des femmes servira à vendre, des objets, comme des relations, nous serons en position de vulnérabilité sociale, économique et sentimentale. Dans une économie de la consommation, le corps des femmes est relayé au rang de choses. Dans un tel contexte, il est difficile de prendre l’emprise sur soi, sur le rapport de séduction, et sur sa sexualité…les luttes féministes se sont alors peut-être déplacées de l’emprise de son corps, à l’emprise sur son environnement.

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